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Le Forum Planète Bleue : Michel DANTIN, vous êtes député européen, maire de Chambéry, président du Comité interSyndical d’assainissement du lac du Bourget (CISALB), et Président du Comité de Bassin Rhône-Méditerranée. Concernant cette dernière responsabilité, pouvez-vous nous faire une présentation succincte de l’agence de l’eau ?
Michel DANTIN : Créée par la loi sur l’eau de 1964, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée est un établissement public de l’Etat, sous la tutelle du Ministère en charge de l’écologie et du développement durable.
Acteur public de référence, totalement dédiée à la mise en oeuvre de la politique de l’eau, l’agence de l’eau a pour missions d’aider les collectivités, les acteurs économiques et agricoles à utiliser l’eau tout en préservant la ressource.
Parallèlement l’agence de l’eau aide à lutter contre les pollutions et les dégradations des milieux aquatiques.
Pour agir, elle perçoit des redevances pour pollution ou prélèvement d’eau dans les milieux aquatiques après des usagers de l’eau et elle attribue des aides financières pour les travaux qui permettent de mieux gérer l’eau (lutte contre la pollution, économies d’eau, restauration des rivières, …).
Il faut savoir que l’agence de l’eau RMC a compétence sur un vaste territoire, qui représente le grand quart sud-est de la France et qui comprenant deux grands bassins hydrographiques : le bassin de Corse et le bassin Rhône-Méditerranée. Pour couvrir ce territoire, l’agence s’appuie sur une organisation déconcentrée : le siège est situé à Lyon et quatre délégations régionales sont implantées à Lyon, Montpellier, Besançon et Marseille.
Le Forum Planète Bleue : Plus précisément, quel est le rôle au quotidien de l’agence de l’eau ?
Michel DANTIN : Concrètement, l’agence de l’eau a un rôle de facilitateur de la politique de l’eau. Elle n’est pas en charge de l’application des réglementations (c’est le rôle des services de l’Etat), et elle n’est pas directement maître d’ouvrage en charge de réaliser des travaux et des investissements pour mieux gérer l’eau (c’est le rôle des collectivités, des industriels, des agriculteurs). Ses outils financiers - les redevances perçues sur les usages de l’eau et les aides qu’elle attribue pour le financement des projets - lui permettent d’avoir un rôle incitatif auprès des acteurs de son territoire : collectivités, industriels, agriculteurs.
L’agence a aussi un rôle de secrétariat du comité de bassin, qui est un peu le parlement de l’eau à l’échelle du grand bassin versant. Elle prépare notamment, avec les services de l’Etat, le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), qui fixe, en application de la directive cadre sur l’eau, les grandes orientations de la politique de l’eau sur le grand bassin. Ce SDAGE est approuvé par le comité de bassin.
Le Forum Planète Bleue : pouvez-vous nous dire qu’elles sont les principaux programmes d’actions de l’agence de l’eau ?
Michel DANTIN : Tout d’abord, le programme d’actions « Sauvons l’eau », qui couvre la période 2013-2015 et qui vise à améliorer la qualité des eaux, à mieux gérer les ressources en eau et à restaurer les milieux aquatiques. Globalement, il s’agit d’atteindre le bon état des eaux fixé par la directive-cadre sur l’eau.
Dans le cadre de ce programme, l’agence de l’eau perçoit des redevances sur tous les usages de l’eau (particuliers, collectivités, industries, agriculteurs), au titre de la pollution ou au titre des prélèvements d’eau qui sont réalisés dans les milieux aquatiques, et elle finance des projets, portés par les collectivités, les industries, les agriculteurs, qui permettent d’améliorer la gestion de l’eau : stations d’épuration, réseaux d’assainissement, réduction des rejets polluants, économies d’eau, mobilisation de nouvelles ressources, restauration physique des rivières pour leur permettre d’avoir un fonctionnement plus naturel, …, autant d’investissements qui sont aidés par l’agence de l’eau.
Au-delà de ses redevances et de ses aides financières, l’agence de l’eau assure aussi le suivi et la surveillance de la qualité des milieux aquatiques (rivières, lacs, eaux souterraines) et conduit des études.
En termes financiers, le montant global du programme « Sauvons l’eau » est de l’ordre de 3,6 milliards d’euros sur les années 2013-2018. Et même si les aides les plus importantes restent encore affectées au petit cycle de l’eau (la gestion de l’eau potable et l’assainissement), avec près de 2 milliards d’euros d’aide, les domaines qui connaissent l’augmentation la plus importante par rapport au programme d’intervention précédent sont la restauration des rivières, la protection des captages d’eau potable et les économies d’eau.
Enfin, l’agence de l’eau participe à la sensibilisation du grand public aux questions de protection de l’eau et des milieux aquatiques parce qu’il est essentiel que les citoyens portent un nouveau regard sur les rivières et qu’ils considèrent qu’elles font partie de leur patrimoine. Elle soutient également les dispositifs destinés à sensibiliser les scolaires au cycle de l’eau et la préservation des milieux aquatiques.
Le Forum Planète Bleue : Quelles sont les perspectives et objectifs à moyen et long terme ?
Michel DANTIN : Historiquement, l’action de l’agence de l’eau a d’abord porté sur la réduction des pollutions, tant industrielles que par les collectivités. Les enjeux maintenant sont principalement :
> La réduction des pollutions toxiques dispersées, qu’il s’agisse de la pollution par les pesticides ou de la pollution des multiples activités économiques présentes dans les agglomérations : le programme « Sauvons l’eau » prévoit 288 millions d’euros pour préserver l’eau potable.
> La gestion de la ressource en eau, dans un contexte de changement climatique qui va accroître les phénomènes de stress hydrique. 40% du bassin Rhône Méditerranée manquent déjà d’eau. Cela conduit à fortement développer les économies d’eau et à prévoir, dans le cadre d’une vision collective par bassin versant, la mobilisation de ressources de substitution (transferts d’eau, retenues), pour permettre d’alléger la pression sur les milieux aquatiques en période d’étiage tout en satisfaisant au mieux les usages. Les 5 Régions, le préfet coordinateur de bassin et le comité de bassin, ont par ailleurs décidé de s’unir pour signer ensemble le plan de bassin d’adaptation au changement climatique avec des mesures concrètes, applicables maintenant, qui guideront leurs politiques d’aide. Ce plan préconise la chasse au gaspillage d’eau, de retenir l’eau dans les sols et de redonner un fonctionnement naturel aux rivières.
> La restauration physique des rivières qui est, maintenant que beaucoup d’efforts ont été faits en matière de réduction des pollutions, souvent l’enjeu principal pour espérer atteindre le bon état.
Le Forum Planète Bleue : Le Forum Planète bleue soutient depuis son origine le projet de capitalisation de données « CAP Sédiments », ainsi que la mise en place d’un premier centre de production d’éco-matériaux (CPEM Var) dont l’inauguration a eu lieu le 24 septembre dernier à La Seyne-sur-Mer (voir le focus "valorisation des sédiments"). Pour ne citer qu'eux, nous savons le soutien constant que l’agence de l’eau apporte aux études et projets de gestion et de traitement des pollutions de l'eau, tous essentiels à la préservation de la santé des populations. Mais comment cela se fait-il que, tant la mission essentielle de l’agence de l’eau, que les nombreux résultats qu’elle a permis par son action constante, ne soient pas plus valorisés auprès du grand public ?
Michel DANTIN : Que dire, si ce n'est que l’agence de l'eau soutient les porteurs de projets qui l’identifient bien et savent pouvoir compter sur l’expertise de ses agents et sur son soutien financier. Et c'est avant tout ce qui compte !
Le Forum Planète Bleue : Michel DANTIN, vous êtes un député européen convaincu, pouvez vous nous dire quel rôle joue l’Europe dans la politique de l’eau et sa préservation ?
Michel DANTIN : Tout d’abord, je rappelle qu’au début des années 90, les Ministres de l’Environnement ont considéré que l’intérêt stratégique de conserver l’eau en quantité et en qualité était souhaitable. Sachant qu’un grand nombre de cours d’eau sont transfrontaliers et que dès lors, il était logique qu’une politique européenne voit le jour. Ainsi est née la Directive cadre sur l’eau coiffant les directives sectorielles prises antérieurement.
Maintenant, je dois reconnaitre qu’en matière environnementale, l’Union européenne est souvent notre mère courage.
En effet, face à la réalité des faits, voire par simple bon sens, nous acceptons que les textes européens comportent des ambitions et des mesures indispensables qu’un pays comme la France est souvent incapable de mettre en place au plan national. Il est alors de bon ton de critiquer l’Europe en oubliant de dire que la mesure contestée a pourtant été votée par la France quelques années plus tôt en Conseil des Ministres européens ou au Parlement….
Au passage, je rappelle que les pollutions marines et fluviales, les cours d’eau, les lacs et les mers, ne s’arrêtent pas aux frontières et que sans une politique commune, il est quasi impossible de maitriser les problématiques liées à l’eau.
Enfin, je tiens aussi à souligner qu'on a tendance à occulter bien trop souvent le rôle fondamental que l'Europe a dans le financement de la recherche, de la construction des infrastructures, de l'aide au développement économique etc. Et pour ne prendre que l'exemple de la protection de la ressource en eau, avec pour corrolaire la santé des populations : force est de reconnaître que l'Europe est à la pointe des aides et porteuse d'espoirs !
Pour en revenir au rôle de l’Europe, il faut savoir que les Comités de bassin ont un rôle majeur dans la mise en oeuvre des textes européens, puisque ce sont eux qui construisent et adoptent les plans de district appelés Schéma Directeur d’Aménagement ou de gestion des eaux. L’agence de l’eau, à travers la politique des aides, a donc un rôle incitatif pour mettre en oeuvre les politiques nationales en tant que déclinaisons de la politique européenne.
Plus généralement, nous oublions trop souvent de citer (ou de reconnaitre) les succès de l’Europe : la paix sur notre vieux continent et cela, depuis bientôt trois générations, le PIB le plus élevé au monde, le fait que nous soyons la première puissance exportatrice mondiale, la garantie que représente la force de l’Euro face au Dollar, dont il est désormais une alternative dans les échanges internationaux...
Le Forum Planète Bleue : le mot de la fin ?
Michel DANTIN : en ma qualité de député européen, et sans parti pris d'aucune sorte, je sais que l’Europe est le bon domaine de pertinence, pour permettre de faire face et répondre positivement aux problématiques environnementales et sociétales, aux enjeux liés à la circulation des biens et des individus, aux défis de l’innovation et de la recherche, aux besoins de cohérence économique en matière de développement durable et d’économie circulaire, à la solidarité des peuples et la promotion des patrimoines naturels et culturels qui tous font la richesse de notre culture continentale, tout comme celle de la collectivité territoriale de Corse !
Et même si je reconnais que tout n'est pas encore parfait et que des incompréhensions ou difficultés demeurent, j'affirme que les français ont raison de continuer à croire en un idéal européen, qui tient compte des besoins des populations et prépare l’avenir des générations futures !
Propos recueillis par Jean VAL
Michel DANTIN
Député européen
Maire de Chambéry
Président du Comité de Bassin Rhône-Méditerranée
Président du Contrat de bassin versant du lac du Bourget
Président du Comité intersyndical d'assainissement du lac du Bourget
Site web europe (cliquez ici)
Interview réalisée le 12/11/2015
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