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Le Forum Planète bleue : Jean Riondel, vous êtes Président et co-fondateur de Mini Green Power, une société sélectionnée pour sa politique de brevets innovante, que nous avons personnellement pu découvrir sur le stand de l’INPI à l’occasion de la COP 21. D’où vient l’idée de créer cette start-up ?
Jean RIONDEL : La start-up, qui emploie à ce jour 10 personnes, est née d’un constat et d’une conviction : l’avenir appartient aux petites unités de production d’énergie renouvelable !
Personnellement, j’ai parcouru la planète pendant 20 ans pour mes clients, Alstom, General Electric notamment, pour mettre en service des turbines à gaz parmi les plus grosses du monde : au Chili (400 MW), au Pays de Galles (540 MW), jusqu’à celle qui détient le record, à ce jour, de plus grosse centrale à cycle combiné du monde, Dorad en Israël (850 MW).
Au fil des ans, une intuition est née et elle s’est faite progressivement « évidence » : Ces méga projets, basés sur l’énergie fossile, génèrent des profits importants, mais ils ne se font pas au bénéfice des populations et de l’environnement. La production par d’énormes centrales engendrant des problèmes de pollution, de sécurité et des pertes importantes d’énergie lors du transport de l'électricité.
Convaincu que l’avenir est aux petites centrales à énergie renouvelable et au rapprochement de la production d’énergie avec le marché local ou territorial, nous avons décidé, avec mon associé Hubert Sabourin, de travailler sur le principe de plus petites centrales, qui fonctionneraient à partir de la biomasse et par concentration de l'énergie du soleil.
Le Forum Planète bleue : Avant d'aller plus loin dans la présentation de votre projet, pouvez-vous nous donner votre vision du marché de l’énergie dans les années à venir ?
Jean RIONDEL : J’ai la conviction que l’avenir proche verra se mettre en place un mix énergétique rééquilibré, avec un poids de plus en plus prépondérant des énergies renouvelables. Pour preuve, l’Union européenne s’est donnée l’objectif de faire passer à 20 % la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen en 2020 et la France vient de se doter d’une loi sur la transition énergétique ambitieuse, avec notamment la réduction de la consommation des énergies fossiles de 30% en 2030, par rapport à 2012.
Le Forum Planète bleue : Concrètement maintenant, en quoi consiste le procédé que vous cherchez à développer ?
Jean RIONDEL : Tout d’abord, il faut savoir que la biomasse, cette matière organique qui compose les organismes vivants et leurs résidus, présente deux particularités quand on l’utilise comme énergie : celle d’être renouvelable, contrairement aux énergies fossiles, et celle d’être neutre en émission de gaz à effet de serre, car elle restitue seulement le CO2 qu’elle a stockée durant sa vie, grâce à la photosynthèse.
Sur la base de ce constat et fort de notre expérience en la matière, nous avons imaginé et conçu une centrale verte, modulable et compacte, ne rejetant aucun carbone, et permettant de fournir de l’énergie, de la chaleur et de l'électricité, à partir de biomasse disponible localement.
Le Forum Planète bleue : pouvez-vous nous en dire plus sur le principe de fonctionnement ?
Jean RIONDEL : La centrale de Mini Green Power fonctionne selon la technologie de la pyrogazéification. Entièrement automatisée, avec un contrôle intelligent et à distance, la centrale sèche la biomasse, dans son premier module, la transforme en gaz - que l’on appelle syngaz - dans le second, puis valorise ce gaz en chaleur ou en électricité dans le troisième module pour des utilisations variées, définies par l’utilisateur selon ses besoins : génération d’électricité, chauffage de bâtiments et de serres, réseau de chaleur, séchage de boues…
Ainsi, d’une matière abondante et disponible localement - sous forme de branchages, copeaux de bois, résidus agricoles, résidus de l’industrie agro-alimentaire, refus de compost, etc. qui finit le plus souvent en déchet et qui génère des coûts d’évacuation et d’élimination -, Mini-Green Power propose à ses clients, industriels et collectivités, professionnels de la forêt et agriculteurs, d’en tirer une richesse : de l’énergie propre dans la logique du principe d'économie circulaire.
Le Forum Planète bleue : Le principe de conception est intéressant, mais avez-vous pu tester la pertinence du modèle technologique ?
Jean RIONDEL : Un travail en partenariat étroit avec le CEA a permis de valider la pertinence du modèle technologique et de faire la « preuve du concept ». Par ailleurs, le projet Gazéotherm de Mini Green Power a été présélectionné par l’ADEME dans le cadre de l’appel à projet BIP, confirmant que la technologie proposée par Mini Green Power est en phase avec les priorités de l’Etat pour faire évoluer le mix énergétique français, tel qu'il est prévu dans le cadre de la mise en oeuvre de la nécessaire transition énergétique.
Le Forum Planète bleue : Justement, comment Mini Green Power compte-elle participer à cette "révolution" énergétique ?
Jean RIONDEL : Clairement nous sommes un acteur engagé de cette "révolution" énergétique. Véritable alternative aux énergies fossiles, à carbone zéro, la centrale verte que nous proposons utilise de la biomasse disponible localement, offrant un débouché à une ressource abondante, non-exploitée et aujourd’hui coûteuse à éliminer - ce que l’on appelle souvent les déchets verts - pour les communes et les industriels. Avec cette biomasse, la centrale produit de l’énergie, de l'électricité et de la chaleur, utilisables pour chauffer des bâtiments, des serres, alimenter un réseau de chaleur, produire du froid, bref, répondre aux besoins des habitants et des utilisateurs…
Par ailleurs, nous sommes convaincus de la pertinence des boucles de proximité qui sont en fait des circuits courts, vertueux et rentables !
Avec nos clients, nos partenaires, les communes, nous voulons donc co-construire « la ville durable et intelligente » et son volet énergie.
Quant à l'international, notre technologie - la pyrogazéification - couplée avec le solaire, ouvre des perspectives prometteuses pour des continents ayant un accès difficile à l’énergie et disposant de grandes quantités de biomasse. Sans parler des sites isolés, comme les îles ou les atolls. A ce sujet, nous avons d’ailleurs déposé un brevet avec une extension mondiale.
Le Forum Planète bleue : Au final, quels sont vos objectifs à court, moyen et long terme ?
Notre objectif est de devenir un acteur majeur des nouvelles technologies de l’énergie en France et à l’international, sur le marché qui est le nôtre, de 0,5 MW à 2MW thermiques. Nous avons fait la preuve du concept, validée par le CEA, qui a constaté la pertinence de la solution compacte de Mini Green Power. Nous contribuons à l’amélioration du mix énergétique et notre centrale verte est particulièrement adaptée pour les communes de taille moyenne, de 20 000 à 60 000 habitants, pour lesquelles le traitement des déchets organiques représente un coût très élevé (estimé à plus d’un milliard d’euros par an sur l’ensemble de la France).
Nous allons également distribuer une centrale spécifiquement dédiée à la valorisation des résidus de bois, de technologie allemande, pour répondre aux besoins des forestiers et du monde agricole.
Dans un premier temps notre développement va se concentrer sur la France métropolitaine, les Dom Tom, et l’Europe, avec l’Italie, la Grande-Bretagne, et l’Allemagne. Puis, nous viserons un développement à l’international, sur des zones où la biomasse est abondante et l’accès à l’énergie compliqué, comme l’Afrique (Côte d’ivoire, Cameroun…) et l’Amérique du Sud.
A très court terme, sur le quatrième trimestre 2015, nous allons mettre en service le démonstrateur industriel dans notre atelier d’Hyères (83). Enfin, des discussions sont en cours avec nos premiers clients, et dès 2016, nous espérons commercialiser nos premières centrales, sous forme de préséries industrielles.
La levée de fonds en cours va nous permettre de financer ces développements et notre futur déploiement en France et à l’international.
Le Forum Planète bleue : vous abordez la problématique financière, qui est le principal obstacle que rencontrent les projets d’initiative privée, notamment parce qu’ils bénéficient rarement des flux de subventions publiques. Sans rentrer dans le détail, pouvez-vous nous dire qu’elles sont les sources de financements qui vous ont permis de mener à terme votre projet ?
Jean RIONDEL : Tout d’abord, il faut souligner que nous avons été très soutenus par la BPI et l'Ademe qui croient fortement au potentiel de notre solution. Pour autant, nous avons néanmoins fait en sorte que notre projet puisse avancer sans subventions.
La raison principale est qu'en sollicitant des investisseurs privés, nous avons pu avancer rapidement dans la mise en oeuvre de nos démonstrateurs. Ce qui va nous permettre, avant la fin de l'année, d’avoir un démonstrateur pour chacune des solutions que nous proposons à nos clients : gazéification de résidus végétaux pour produire de l'électricité, du froid, et un sécheur universel.
Le Forum Planète bleue : Pour en revenir à vos objectifs de développement, rencontrez-vous des difficultés à pénétrer le marché face au verrouillage du secteur par les grands groupes ?
Jean RIONDEL : Il faut malheureusement reconnaître que nous nous sommes souvent trouvés devant une porte close, à l'entrée de nombreuses collectivités. La raison étant qu’elles sont en contrat, dans l'écrasante majorité des cas, avec les grands groupes.
Nous avons donc changé de stratégie quelques mois après notre création : au lieu de démarcher en direct les collectivités, nous avons cherché à approcher les grands groupes. A ce jour, tous ont eu l'air intéressé par le potentiel de notre solution et nous sommes toujours en discussions avec plusieurs d'entre eux. Mais aucun contrat n'a été signé pour le moment.
Le Forum Planète bleue : N’y-a-t-il pas un risque de voir votre technologie « rachetée » - comme d'autres avant elle - et remisée au fond d'un carton au motif que certains grands Groupes ne souhaitent pas voir émerger de nouveaux acteurs, plus en phase avec les impératifs environnementaux et les capacités d’investissement réduit des petites collectivités, pour ne citer qu'elles ?
Jean RIONDEL : Il existe toujours un risque, mais franchement, face à la prise de conscience environnementale - qui est aujourd'hui affirmée par l’ensemble des Etats, comme on l’a vu lors de la COP 21 -, une telle stratégie ne serait pas comprise des populations….
Le Forum Planète bleue : Le mot de la fin sera donc de nous livrer votre ressenti et vos espoirs, suite à votre participation à la COP 21 ?
Jean RIONDEL : Sous le qualificatif « La société qui invente l’énergie de demain » nous avons été lauréats du concours Var Terre d’Innovation et notre société a été distinguée pour sa politique de brevets et de marque innovante.
C’est à ce titre, qu’elle a été invitée et présente sur le stand de l’INPI lors de la COP 21.
En premier lieu, cette manifestation mondiale nous aura permis de démontrer le savoir-faire français, en qualité d’acteur industriel engagé dans une démarche d'économie circulaire et oeuvrant pour une révolution énergétique rapide.
Ensuite, les échanges à l’occasion des rencontres avec de nombreux professionnels du secteur, qu’ils soient français ou étrangers, ont générés d'excellents retours. Tous nos interlocuteurs nous ayant fait part du potentiel que notre solution permet dans diverses applications.
Enfin, lors de la COP 21, nous avons aussi été approchés par deux grands groupes français et nous espérons signer nos premiers contrats dans les semaines à venir. Pour notre jeune société, et plus généralement pour le tissu économique français, les retombées de cette manifestation mondiale ne sont donc pas négligeables, tant du point de vue de l'avancée d'une technologie "verte", que du point de vue d'un développement durable, dans lequel l'économie et l'emploi local ont toute leur place !
Propos recueillis par Jean VAL
Jean RIONDEL
Président et co-fondateur de Mini Green Power
Adresse : Mini Green Power SAS , 1446, vieux chemin de Toulon, 83400 Hyères
Mini Green Power est l'objet d'une présentation détaillée, que vous pouvez retrouver dans notre rubrique "Focus" sous le titre : "De l'énergie à partir de la biomasse locale".
Site web (cliquez ici)
Interview réalisée le 13/02/2016
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