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JEAN MARIE PELT


Jean-Marie PELT, biologiste, écrivain, pharmacien et botaniste, figure tutélaire de l’écologie, nous a quitté le 23 décembre dernier à l’âge de 82 ans et sa disparition laisse un très grand vide.


Humaniste, ardent défenseur de l’écologie urbaine et fondateur de l’Institut européen d’écologie, Jean Marie fut parmi les premiers à pointer les dangers de l’amiante et plus tard des OGM. Inlassable pédagogue de notre environnement, il sut aussi alerter l’opinion grâce à une oeuvre considérable et une présence médiatique singulière et proche des gens.


Promu au grade d’officier de la Légion d’honneur en 2005, il n’a eu de cesse de se battre pour la défense de l’environnement, notamment en tant que fondateur et président de l’Institut européen d’écologie. Né en Moselle en 1933, Jean-Marie Pelt a, entre autres, été ambassadeur européen de l’environnement de l’Union européenne et maire adjoint de la ville de Metz, dont il fit le laboratoire d’une ville-jardin plus juste et plus harmonieuse, comme l'a salué dans un communiqué le maire de Metz, Dominique Gros.


Lors du Forum Planète bleue expo de 2014, au Palais des Congrès de Saint Raphaël, Jean Marie nous avait fait l'amitié de partager avec nous son expérience au sujet de l'importance de l'eau et des milieux aquatiques.

En hommage à notre ami, nous avons choisi de rééditer son intervention du 05 février 2005 au sujet des corrélations possibles entre pollution et santé. Sa réflexion nous apprend quel homme il était et surtout, elle nous fait comprendre que ses motivations fraternelles et humanistes auront été les repères d'une vie toute entière consacrée à la défense de l'Homme et à son environnement.


En ces temps où le consumérisme, l'égoïsme et l'individualisme sont religion et alors que la barbarie et l'obscurantisme refont surface, Jean Marie PELT reste un phare pour nous et sera une conscience pour les générations futures ! 


LES IMPACTS DE L'ENVIRONNEMENT SUR LA SANTE (par Jean marie PELT)


Quelques difficultés qu'il y ait à découvrir des vérités nouvelles, en étudiant la nature, ils s'en trouvent de plus grandes encore à les faire reconnaître. (Lamarck)


En 1975, le docteur Higginson, alors directeur du centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de Lyon, affirmait que 80 % des cancers avaient une cause environnementale. Une telle affirmation suscita à l'époque beaucoup de scepticisme, voire des critiques acerbes. Trente ans plus tard, en 2004, le professeur Dominique Belpomme lançait l'Appel de Paris. Il mettait en cause l'impact sur la santé des molécules chimiques toujours plus nombreuses sur les marchés ainsi que la pollution, dans la genèse de nombreuses pathologies, et en particulier du cancer.


Si la charge chimique de l'environnement n'est probablement pas la cause unique des pathologies aujourd'hui en pleine expansion, telles que la bronchiolite, l'asthme, les allergies, la stérilité masculine, les malformations néonatales chez les garçons et naturellement les cancers, il n'en reste pas moins que la rapide montée en puissance de ces pathologies doit être évaluée en songeant qu'entre 1930 et 2004, la production mondiale de substance chimiques, la plupart non testées avant leur mise sur le marché, est passée d'un million de tonnes à 400 millions de tonnes. Parmi ces nouvelles pathologies, le cas du cancer mérite réflexion. Passant de 125 000 à 150 000 décès entre 1980 et 2000, le nombre de cancers nouveaux décelés passait de son côté, durant le même laps de temps, de 170 000 à 278 000, une progression massive et rapide d'autant plus inquiétante que les progrès de la médecine permettent désormais de guérir près d'un cancer sur deux.


Le projet REACH adopté par l'union européenne en décembre 2006, vise à tester un grand nombre de molécules chimiques mises sur le marché, notamment avant 1981, sans qu'aucun test de toxicologie ne leur ait été appliqué. Or parmi celles-ci, bon nombre sont considérés comme cancérogènes ou comme suspectes de l'être, par le CIRC. Elles devront donc disparaître pour être remplacées par des produits dont l'innocuité devra être prouvée par les fabricants et reconnue par des experts de l'Union.


Parmi ces molécules, les pesticides font déjà l'objet d'une expertise scientifique approfondie avant leur utilisation. Pourtant on sait aujourd'hui que les effets nuisibles consécutifs à leur usage se multiplient. La plupart d'entre eux sont des perturbateurs endocriniens mimant les effets des hormones femelles, les œstrogènes.


La lente imprégnation de tous les milieux, l'eau, les sols, se poursuit depuis plus d'un demi-siècle et contamine les organismes animaux entraînant leur féminisation. Celle-ci a été observée chez de très nombreuses espèces animales, notamment aux Etats-Unis, comme le rapporte l'ouvrage de Théo Colborn : "la fin de l'espèce humaine", préfacé par Al Ghore. Qu'il s'agisse, de poissons, de reptiles, d'oiseaux ou de mammifères, les observations concordent pour aboutir au même constat inquiétant. Des cas de transsexualité sont de plus en plus souvent observés chez les mâles, comme dans l'épisode surprenant de ces alligators du lac Apopka en Floride dont les graisse et le sang contenaient de fortes teneurs en pesticides et où la plupart des mâles ne manifestaient plus aucun intérêt pour les femelles.


C'est au professeur danois, Skaekelbek, que l'on doit les premières alertes concernant notre propre espèce. On sait aujourd'hui que le sperme humain a perdu près de la moitié de ses spermatozoïdes en Europe, mais ailleurs aussi, depuis l'entrée des pesticides en agriculture. De plus en plus nombreux sont aussi les cas d'azoospermies (spermatozoïdes immobiles). Ces 2 facteurs jouent simultanément en faveur d'une augmentation dûment constatée de l'infertilité masculine, augmentation de l'ordre de 1 % par an.


Le professeur Charles Sultan de la faculté de médecine de Montpellier a de son côté montré l'augmentation inquiétante des cas de malformations congénitales chez les petits garçons accouchés dans sa maternité ; une atteinte des organes génitaux qu'il a pu relier, au moins partiellement, à l'usage des pesticides dans les familles de ces enfants (horticulteurs et viticulteurs notamment). Quand on sait qu'une pomme mise en vente dans un hypermarché a été traitée aux pesticides de 20 à 30 fois, on mesure la réalité du danger.


Dès à présent la quasi-totalité des eaux de surface et environ les deux tiers des nappes phréatiques sont contaminés par des pesticides comme le sont aussi le sang et les lipides des humains. Le WWF l'a démontré en mettant en évidence en moyenne plusieurs dizaines de molécules suspectes dans le sang des ministres de l'environnement de l'Union Européenne mais aussi des parlementaires européens.


Plus inquiétant encore est le transfert de ces molécules suspectes et omniprésentes de la mère à son fœtus par le cordon ombilical de sorte que le nouveau-né est contaminé dès sa naissance et continuera à l'être si des mesures draconiennes ne sont pas mises en œuvre pour restreindre les usages jugés beaucoup trop généreux de ces produits en agriculture et dans le jardinage. En ce domaine les pays d'Europe du Nord, Danemark et Scandinavie notamment, ont réduit de façon très significative leurs usages de pesticides au cours des dix dernières années. Notre pays malheureusement reste à la traîne car on y redoute des réactions hostiles du monde paysan. Or ce sont précisément ces paysans qu'il convient de protéger en priorité des effets nuisibles de ces produits dont on pourrait fortement réduire l'usage en modifiant les pratiques agricoles et sans que les rendements ne s'effondrent. C'est ce que l'exemple danois a clairement démontré.


Malheureusement, comme l'évoque la citation de Lamarck mise en exergue de ce texte, en matière de nuisance environnementale, les prises de conscience sont lentes et beaucoup plus lentes encore les prises de décisions.


On sait avec quelle efficacité le lobby de l'amiante est parvenu à s'opposer à l'interdiction de ces fibres minérales génératrices de cancer de la plèvre qui ne furent interdites en France qu'en 1997, soit des dizaines d'années après leur interdiction dans bon nombre d'autres pays comme par exemple les Etats-Unis. Autant de cancers déjà advenus à raison de 3 000 morts par an ou encore à venir puisqu'on sait le décalage entre les temps d'exposition et le déclenchement de la maladie. Aussi estime-t-on que bien qu'aujourd'hui interdite, l'amiante pourrait faire encore 100 000 morts dans les prochaines décennies. Ce qu'exprime avec pertinence un vieil adage de l'Inde : "ni dans l'air, ni au milieu de l'océan, ni dans la profondeur des montagnes, ni en aucune partie de ce vaste monde, il n'existe de lieu où l'être humain puisse échapper aux conséquences de ses actes".


Mais les impacts de la chimie moderne et de la pollution ne sont pas les seules causes de morbidité et de mortalité lorsqu'il s'agit d'évaluer les interactions entre l'environnement et la santé. Si aujourd'hui les maladies bactériennes sont mieux maitrisées dans les pays riches grâce aux antibiotiques, encore que la montée des résistances des germes pathogènes à ces antibiotiques soit des plus inquiétantes, c'est aux nouvelles pathologies citées plus haut que doit s'atteler désormais la médecine. Or ces pathologies ont souvent des causes multifactorielles subtiles, difficilement décelables, où il n'est plus possible comme dans les pathologies bactériennes de mettre en relation directe une cause, c'est-à-dire une bactérie et un effet en l'occurrence une maladie bien typée et localisée. C'est donc de toutes nouvelles approches qui doivent être envisagées désormais en matière de pathologies liées à l'émergence de ce nouveau paradigme : des maladies produites par l'environnement et non plus par des germes pathogènes.


Toutefois dans les pays du Sud, les pathologies bactériennes restent fort menaçantes, véhiculées par la pollution de l'eau à laquelle on attribue de 7 à 10 millions de morts chaque année. Avant même que le terme de pollution n'ait acquis le sens qu'on lui confère aujourd'hui, les cours d'hygiène mettaient en exergue les dangers de l'eau contaminée.


Dans un tout autre ordre d'idée, le réchauffement climatique aura sans doute des impacts redoutables sur la santé comme on l'a vu lors de la canicule de 2003 qui a emporté près de 15 000 personnes en France. De tels décès prématurés seront à l'avenir inévitables, même si, avertis par le précédent de 2003, le maximum de précautions seront prises. Il faudra aussi compter sur les victimes des sècheresses, de cyclones, des inondations ou des glissements de terrains liés à la multiplication et l'amplification des catastrophes météorologiques consécutives au réchauffement qui s'annonce.


Le bruit a toujours été une nuisance majeure, souvent insupportable, déclenchant des phobies lorsqu'il s'agit de bruits intenses ou répétitifs. Mais de nouvelles menaces se profilent désormais avec l'usage des baladeurs et la fréquentation des discothèques ou les flux de décibels mettent à mal l'audition des jeunes, ce que dénoncent avec véhémence les spécialistes de l'audition. Allons-nous du fait de la musique qui braille vers des surdités précoces ? La question mérite d'être posée.


Enfin pour être complet, il convient d'évoquer l'impact de ce qu'il est convenu d'appeler les nouvelles technologies de la communication. On sait les polémiques qui accompagnèrent l'irruption brutale du téléphone portable. Il faudra des années pour savoir si oui ou non des risques de tumeurs du cerveau peuvent être mis en évidence car les cancers sont longs à se manifester. Mais on sait déjà que ces instruments doivent être utilisés avec parcimonie par les enfants ce qui malheureusement n'est nullement le cas. On sait aussi qu'il est imprudent de les utiliser dans un TGV où l'engin doit sans cesse se brancher sur une autre antenne relais et pour cela déployer une puissance maximale dont les effets sont suspectés. On connaît aussi la polémique concernant les antennes-relais et plus généralement le rayonnement électromagnétique émis par de nombreux objets symboles de la modernité (four à microondes et écrans divers). Ont-ils un impact sur notre santé ? Il est encore trop tôt pour le dire puisque nous sommes en ce domaine en pleine controverse. On aimerait que ces controverses scientifiques se déploient avec sérénité et objectivité malgré les pressions exercées par les grands lobbies. Or dans ce domaine n'existe aucun véritable débat contrairement à ce qui concerne les biotechnologies dont on débat à l'infini des éventuels effets négatifs sur l'environnement et la santé (pour les OGM notamment).


Ces quelques réflexions, nécessairement sommaires, montrent combien les modifications de notre environnement au cours des dernières décennies entraînent des conséquences sanitaires qui commencent seulement à être mises en évidence et évaluées. Certes l'espérance moyenne de vie continue d'augmenter dans les pays occidentaux, mais jusqu'à quand ? La progression de l'obésité, liée à une suralimentation et à une sédentarité accrue, la montée continue des cancers malgré des efforts louables de dépistage mais sans que les problèmes de prévention ne soient vraiment pris en compte avec tout le sérieux qui s'imposerait, la remontée des maladies bactériennes liée aux résistances acquises aux antibiotiques et enfin le risque de nouvelles maladies virales risque tôt ou tard de contrebalancer des effets positifs liés au recul de la mortalité infantile, au développement de la prévention en matière d'alcool, de tabac, d'accidents de la route et surtout aux progrès fulgurants de la médecine. Mais il est certes plus facile de chasser le tabac des lieux publics ou de faire la chasse aux délinquants routiers qu'il ne l'est de chasser de notre environnement les multiples causes de pathologies qui viennent d'être évoquées.


Une tâche où l'effort de prévention doit être prioritaire. La mise en œuvre tant attendue du programme REACH est un grand pas en avant dans cette direction. Encore faudrait-il qu'il en soit de même dans l'ensemble des problématiques sommairement évoquées ici. Tel est loin d'être encore le cas. Un immense chemin reste à parcourir, mais la montée en puissance de la conscience écologique et sa prise en compte dans les décisions politiques laisse aujourd'hui mieux augurer de l'avenir qu'il y a encore quelques années, lorsque ces questions étaient considérées comme relevant de l'utopie de quelques marginaux.


Nous savons désormais que l'avenir de nos enfants et de la terre que nous leur lèguerons sera étroitement lié aux précautions que nous prendrons pour promouvoir un environnement de qualité et du même coup la qualité de la vie qui en découlera !


Jean Marie PELT

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